Trouver Dieu dans l‘esprit (par Elhadji Thiam)

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El Hadji thiam est professeur à l‘Ecole Dentaire Internationale - EDI, et en section de Steg.

En inventant le terme « théorie de l‘esprit », Premack et Woodruff faisaient référence à la capacité de garder une trace de ce que quelqu‘un d‘autre pense, ressent ou sait, même si cela ne ressort pas immédiatement de son comportement. Par l’action de notre propre esprit, nous avons la possibilité de trouver la trace de ce que l‘autre pense, de ce qu‘il ressent ou envisage de faire en temps réel. Et le succès ou l‘échec de la théorie de l‘esprit dépend souvent de la capacité à représenter de manière appropriée le point de vue d‘une autre personne sur une situation. En effet, la théorie de l’esprit telle qu’elle a été définie à l’origine identifiait une capacité à imputer des états mentaux non seulement aux autres mais aussi à nous-mêmes. Ce suppose avant tout de connaître son propre esprit au risque de se tromper. Dans ce sens, les autistes peuvent certainement avoir des difficultés pour comprendre le fonctionnement de leur esprit. Cette chose n‘est pas facile à vrai dire dans la mesure où nous nous trompons tous les jours à propos de lui( l’esprit). S‘il faudra appliquer la même rigueur au niveau de l‘apprentissage de son esprit pour comprendre celui des autres, nous pensons qu‘il est tout autant souhaitable d‘appliquer cette même méthode à l‘autre pour percer le mystère de son esprit. Le philosophe le plus souvent associé à la vision inférentielle est Gilbert Ryle, qui a proposé dans The Concept of Mind (1949) que nous acquérions la connaissance de soi en appliquant à nous-mêmes les outils que nous utilisons pour comprendre les autres esprits. La connaissance de notre esprit suppose largement des efforts et de la patience. La patience et les efforts nous facilitent une meilleure connaissance de soi et des autres. La patience aujourd‘hui peut évoquer un sentiment d‘inactivité, le sentiment qu‘il s‘agit plus ou moins d‘attendre que les choses passent: la vacuité de l‘esprit.

Pour les Grecs de l‘Antiquité, la connaissance de soi n‘était pas globale, mais un travail en cours et quelque chose vers lequel il fallait tendre, comme en témoigne l‘exhortation à « connais-toi » gravée sur le temple de Delphes. Ce point de vue a persisté dans les traditions religieuses médiévales : le prêtre et philosophe italien Saint Thomas d’Aquin a suggéré que, même si Dieu se connaît par défaut, nous devons consacrer du temps et des efforts pour connaître nos propres esprits. Et une notion similaire d’effort vers la conscience de soi se retrouve dans les traditions orientales, avec le fondateur du taoïsme chinois, Lao Tzu, approuvant un objectif similaire : « Savoir que l’on ne sait pas est le meilleur ; ne pas savoir mais croire qu’on sait est une maladie.

Avec l’esprit en mouvement, nous pouvons aussi accéder à la connaissance de ce qui est, de ce qui s’annonce à nous comme une présence, une réalité métaphysique aux correspondances majeures. Ce faisant, le temps s’étire et s‘approfondit au contact de la vérité ancrée en nous sous l‘influence manifeste de la poéticité des choses nous entourant. Connaître cette réalité suprasensible suppose l’activation de son esprit par la contemplation éthérée, le silence et la résilience. L‘afghane Samira Thomas qui a perdu sa mère atrocement dans un hôtel, note que le terme « résilience » a sa racine dans résilienceia, qui signifie « éviter ou reculer ». Il évoque l’élasticité de «reprendre une forme ou une position d’origine après compression». Vous pliez ou vous cassez, comme on dit. L‘intérêt pour la résilience vient du fait de vouloir aider les gens à plier, plutôt qu‘à rompre, et d‘apprendre de ceux qui semblent ne pas avoir rompu. Un esprit resilent nous amène à tolérer ce type de phénomène et à se plier davantage pour survivre. Un esprit calme et serein est capable de renaissance et de simplification de l‘expérience qui nous mène au tout-puissant.

William James est un empiriste approfondi – si la table (ou Dieu) est réelle, c’est leur présence pour faire l’expérience qui compte. C’est là que nous les trouverons. C’est là que nous découvrirons leur rôle et leur signification dans et pour nos vies. Dans « la branche la plus personnelle de la religion », dit James, « la relation va directement de cœur à cœur, d’âme à âme, entre l’homme et son créateur ». Donc d‘esprit à esprit. William pointe vers une théologie de la présence divine. La réalité divine et l‘expérience humaine de celle-ci sont en réciprocité. Avec l‘esprit, nous sentons qu‘il y a un ordre invisible, et que notre bien suprême est de nous y ajuster harmonieusement ». Dans ces cas, il s‘agit de “la croyance en un objet que nous ne pouvons pas voir“. Nous rencontrons la réalité divine dans l‘expérience, mais non comme un objet perçu. Le but de la théologie au sens large n’est pas de construire une « théorie » correcte de la réalité divine mais de la vivre de tout son cœur, de tout son esprit et de tout son corps. James cite Al-Ghazzali : « Si la religion est une fonction par laquelle la cause de Dieu ou la cause de l‘homme doit être vraiment avancée, alors celui qui en vit la vie, même étroitement, est un meilleur serviteur que celui qui la connaît simplement, peu importe combien. La connaissance de la vie est une chose; l‘occupation effective d’une place dans la vie, avec ses courants dynamiques traversant votre être, en est une autre. Les rencontres avec le divin n’ont pas besoin d’arguments ou de théories générales de la réalité pour les étayer.

Dieu a-t-il le droit de se laisser et entendre ?

Les « doutes critiques » sur le langage concret et vivant des manifestations divines supposent, dit Eric Voegelin, que « le critique sait comment Dieu a le droit de se laisser voir » et entendre. Dieu choisit d‘utiliser nos paroles. Plus précisément : la langue elle-même vit dans l’Entre-deux. Elle ne nous appartient pas uniquement. C’est un médium divino-humain. Quand Dieu l’utilise, ils nous incombent de l’accepter. La langue est évidemment la manifestation de l‘esprit tel qu‘il se déploie en nous tout en opérant le jeu des alliances pures avec le divin. L‘esprit est également un intermédiaire efficace à l‘action de sauter sur l‘action divine à tout moment car la vie se résume parfois à des moments d‘action. Vivre est un processus intéressant et l‘individu est toujours dans une transformation permanente de soi au gré des évènements et des circonstances. Pour retrouver sa forme originelle, il est obligé de calmer son esprit par moments et de faire face à la situation de sa vie. Atteindre Dieu n‘est pas facile mais l‘expérience des gens ordinaires prouve le contraire. Tout est souffle. Le temps nous souffle cette espérance et des leçons de sagesse. Tant mieux. Dans le souffle se trouve la racine de l‘esprit, car le mot esprit est dérivé du français esprit, ou respiration. Pour moi, il y avait du réconfort dans le monde spirituel du soufisme, voire même dans le bouddhisme et chez les grandes mystiques orientales.

El Hadji thiam est professeur à l‘Ecole Dentaire Internationale – EDI, et en section de Steg.

 

 

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