LE RELIGIEUX ET LE POLITIQUE : DE CONVICTION OU D’OCCASION ?

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On applaudit l’Eglise parce qu’un homme d’église aura fait un discours conforme, dans le sens d’une attente. On en aurait fait de même pour tout autre ordre spirituel…à l’occasion.

Si cette forme de validation du politique à partir de la position d’un clergé n’est pas une première ; elle interpelle tout de même.

Permettez que j’entende Jésus dire «Pardonne-leur mon Dieu, ils ne savent pas ce qu’ils font»

Permettez, demain, si de façon autonome l’Eglise et les confréries mouhamettanes affichent une position politique, d’être moins prompts à condamner l’immixtion du religieux dans l’espace politique. L’Eglise a toujours eu son candidat et a toujours passé ses « consignes officieuses » de vote à des « militants  » fidèles. Ce n’est pas inédit. Nous savions aussi, tout de la validation par Serigne Fallou de la candidature de LS Senghor. Ainsi de Diouf et de Serigne Abdoul Ahad, de Wade et de Serigne Saliou … mais toujours, dans l’esprit de la fonction régulatrice à eux conférée par un consensus social séculaire et, ne dépassant jamais la consigne de vote.

Si aujourd’hui nous suivons le PUR avec la même condescendance, jamais pourtant, clergé ne se serait prononcé sur un podium plus institutionnel, à un moment plus crucial et plus que l’Eglise catholique durant le Dialogue politique de cette année 2024. Pourvu que l’émissaire de l’église ne soit pas déjà politisé et encarté ! Pourvu que demain, un imposteur en soutane ou en turban ; ou même un parfait laïc accrédité par un Ordre, n’entre de plain-pied dans le panthéon de nos institutions comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.

[Au moment où je finissais de coucher ces lignes, Il m’a été dit que Philipe Abraham Tine est Président du Conseil National du laïcat du Sénégal, qu’il serait même un des argentiers de l’Ex-Pastef. Gravissime si avéré…! ]

Pourtant, on n’en est qu’aux balbutiements d’une intrusion très timide du religieux, pour le moment non encore organisé en entreprise politique mais qui , avec les délitements culturels progressifs, les rapides transformations idéologiques, le sectarisme, les replis identitaires et le « besoin d’appartenance  » ,  peut l’ambitionner et profiter de ces facteurs favorables, pour devenir une déferlante qui va configurer autrement le champ politique , le caractère laïc des institutions et la gouvernance de la République. Demain

Un débat de cohérence s’impose que nous devons accepter avec intelligence et délibérer, non pas sur la légitimité mais, sur la compétence et l’étendue des prérogatives reconnues au religieux dans l’espace politico-administratif.

Ailleurs l’islam politique subit les contrecoups de la laïcité. En France l’islamo-gauchisme est à la fois un néologisme et une réalité décriée quoique mal qualifiée. Qu’importe. C’est bien de religion et de politique qu’il s’agit. Ailleurs l’église orthodoxe est accusée d’être le fondement idéologique d’une guerre d’expansion pour l’espace vital de la Grande Russie. Là, en Afrique centrale, le rôle des différentes chapelles dans la désintégration de tout un espace politico-clanique jusque-là vivable est documenté. Ici au Sénégal, les dignitaires des différentes confessions et confréries, déjà reconnus  » régulateurs sociaux « , n’en sont pas moins politiques et politisés, leur rôle dans l’espace politique quoique diversement déterminant, n’en est pas moins impactant, bien que ne l’acceptions qu’avec pudeur et tacite réserve.

Si le problème ne date pas d’aujourd’hui, s’il faille remonter aux croisades ; requestionner Byzance et Cordoue, on n’adresserait que le cas de la religion armée -armée ouvertement – . On s’arrêterait à Poitiers en méconnaissant volontairement le côté politico-idéologique de la religion et tous les salafistes et tous les Richelieus du monde, sous toutes les latitudes. Al-Azhar passerait pour moins politique que son impact idéologique ne pourrait être passé par pertes et profits dans le monde arabo-musulman et négro-africain.

Alors de deux choses l’une, mais avec courage. La question du religieux dans le champ politique est réelle. De conviction ou d’occasion, elle est en tout cas si permanente qu’elle ne peut plus être l’objet d’une alternative. On devra nécessairement lui accepter qualité et compétences et en définitive lui assigner limites et portée.

 

Étendard Amadou Thierno Diop

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